Les pointes extrêmes du passé

Voilà, quarante ans de carrière. Quarante ans que je fais partie du spectacle. Je lève le rideau sur les heures passées. Tous ces rêves manipulés, ces engagements foireux, mais aussi les quelques points lumineux. Si je mettais bout à bout ces points de densité, ma vie ne durerait sans doute pas plus d’une journée. Pour redémarrer la danse, il faudrait faire resurgir la beauté ensevelie. Vivre au plus près de la faille. Ce soir je tente de me remémorer les pointes extrêmes du passé. Miller, Céline, Calaferte, la brûlure de mes vingt-trois ans qui m’a conduit à l’écriture. Du hasard j’ai fait une nécessité. Je suis né à temps, comme dirait Dylan. Puis la rencontre avec Sarah. La vie avec elle parce qu’elle était superficielle par profondeur et parce que ça nous est tombé dessus comme ça. Puis le départ en Afrique pour s’abreuver à la source si fraîche du Capricorne et récolter l’or du Mali. La sortie du système que je voulus définitive et les premiers éblouissements de l’apprenti voyageur. Puis retour au bercail sous la pluie. La servitude volontaire et l’existence rabougrie, ça je l’ai raconté en détail. Pas tant d’événements que ça dans une vie qui puissent nous remuer les tripes, et pourtant on s’imagine éternels.

Nos amitiés tenaces

Nos amitiés tenaces, c’est pour la beauté. Nos promesses d’évasion, c’est pour la beauté. Les dégagements vers l’ailleurs et l’existence à vif, c’est pour la beauté. Les fantômes, les énigmes, les mystères, c’est pour la beauté, toujours plus de beauté.

Peinture : Zao Wou-Ki