La meute
Tu regardes la meute s’avancer sur la ligne de crête, la meute beuglante et turbulente, possédée par la fièvre du travail, rongée par l’excitation du profit immédiat. La meute qui s’enorgueillit de ne pas avoir une minute à elle. Et son emploi du temps sans faille qui la rassure. La meute de prédateurs s’abrite derrière les innombrables obligations sociales. Elle n’imagine rien, ou plutôt : son imagination est en état de siège permanent. Sur les débris du réel, elle est incapable de construire le moindre édifice. La meute à qui mieux-mieux dit qu’elle s’en fout, dit qu’elle est indifférente, que tout se vaut. La meute n’apprend jamais rien car elle croit tout savoir. Aussi déteste-t-elle ce qu’elle ne saisit pas. La meute d’amputés volontaires méprise toute autre manière de penser. Sûre de son bon droit, elle combat les derniers insoumis. Prends garde car sa volonté d’aplatissement est impitoyable. Elle tentera de te voler ton espace et ton temps. La férocité dont elle fera preuve pourra te rendre lâche. N’oublie jamais que la meute est en toi. Tu n’as pas d’autre choix que de la combattre.